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Il n'y a pas de "nouveau colonialisme" en Afrique : les pays du Sahel répondent à l'Occident

par Bernard Tornare 3 Octobre 2023, 10:26

 Le colonel Sidi Mohamed délivre un message aux côtés des autres dirigeants de la junte nigérienne. Crédit : Reuters

Le colonel Sidi Mohamed délivre un message aux côtés des autres dirigeants de la junte nigérienne. Crédit : Reuters

Par Maria Fe Celi Reyna

Il y a quelques jours, un programme télévisé d'une chaîne espagnole a parlé des "nouveaux colonialismes" en Afrique et, au passage, a blanchi le colonialisme occidental exercé jusqu'à aujourd'hui sur le continent, en disant que c'était quelque chose du passé.

 

Par coïncidence, au cours des dix derniers jours de septembre, une série d'événements liés à certains pays du Sahel se sont enchaînés. Si on les analyse dans leur ensemble, ils constituent une réponse cinglante aux narrations occidentales racistes et paternalistes qui pèsent sur le continent africain, comme celle des "nouveaux colonialismes".

 

Le nouveau récit

Le récit des "nouveaux colonialismes" consiste à priver les Africains de leur pouvoir face à l'intérêt croissant des pays non occidentaux pour le continent. Si les Africains préfèrent de plus en plus s'engager avec des pays non occidentaux, c'est parce que leur volonté a été achetée ; s'ils soutiennent ces pays dans les forums internationaux, c'est parce qu'ils sont endettés.

 

En outre, dans ce récit, les entreprises non occidentales en Afrique ne font pas d'affaires, elles pillent les ressources.

 

En d'autres termes, les Africains sont soit corrompus, soit ne savent pas ce qui est le mieux pour eux. Tout ce qu'ils font, c'est "échanger un colonisateur contre un autre".

 

Cela confirme la règle selon laquelle tout ce qui est dit en Occident sur le monde non occidental n'est rien d'autre qu'une projection de leurs propres actions. Ou, comme le dit le proverbe : "le voleur croit que tout le monde est comme lui". D'ailleurs, si nous parlons des colonisateurs occidentaux, nous pouvons prendre ce dicton au pied de la lettre.

 

Le progressisme occidental raciste

De nombreux récits sur les pays non occidentaux (y compris les pays dirigés par des partis communistes) sont transmis par ce que l'on appelle le progressisme, qui brandit les bannières de causes très justes, mais qui, en même temps, normalise les clichés racistes sur des pays culturellement différents.

 

Il s'agit de la même discrimination, mais "édulcorée" par une couche d'"inclusion" qui la rend valable pour des secteurs qui ne croiraient jamais au conservatisme de droite, y compris les mouvements sociaux.

 

Pour les conservateurs et les progressistes occidentaux, les changements tectoniques sur le continent sont dus à l'influence du groupe Wagner et non au ras-le-bol de la situation néocoloniale. Il est impossible de penser qu'en Afrique, ils ont décidé de prendre en main leur propre destin.

 

De nombreux récits sur les pays non occidentaux sont transmis par ce que l'on appelle le progressisme, qui brandit les bannières de causes très justes, mais qui, dans le même temps, normalise les clichés racistes sur des pays culturellement différents.

 

De cette manière, ils éloignent les secteurs les plus défavorisés des expériences révolutionnaires les plus réussies, tant actuelles que passées.

 

Les redites de cette émission de télévision espagnole n'ont rien de nouveau. Ils n'étaient pas les premiers et ne seront pas les derniers.

 

Ce mois-ci, à Pékin, l'initiative "la Ceinture et la Route" sera relancée dans le cadre de son dixième anniversaire. Dans ce nouveau départ, la route reliant la Chine à l'Amérique latine devrait gagner en importance.

 

Ne soyez donc pas surpris si vous trouvez ces récits sur l'Afrique plus souvent dans les médias hispanophones. Ils chercheront, par tous les moyens, à susciter la peur dans nos pays, en profitant de la coupure d'information entre les deux rives de l'océan Atlantique.

 

"Coup dur" au statu quo à l'ONU

L'une des pratiques les plus courantes pour rejeter les processus politiques africains consiste à les simplifier. Le meilleur exemple est que tous les coups d'État qui ont eu lieu ces dernières années sont présentés comme s'ils faisaient partie du même processus, mais il suffit de consulter certains médias africains pour savoir que ce n'est pas le cas.

 

Les coups d'État en Guinée, au Mali, au Burkina Faso et au Niger sont très différents des autres. Ils ont été menés par ce que l'on appelle les "militaires patriotes", qui ont un programme nationaliste et anti-impérialiste. C'est pourquoi ils sont les plus vilipendés par les Occidentaux, tandis que le coup d'État au Gabon, qui a reçu la bénédiction des Français, a été accueilli dans un silence presque total.

 

Comme l'explique Sogouyou Keguewe, ancien ambassadeur et journaliste togolais, le siège de l'information qui pèse sur ces pays a fait de l'Assemblée générale des Nations unies une plateforme leur permettant d'exprimer leur position.

 

Ils en ont d'ailleurs fait bon usage cette année en prononçant trois discours qui resteront dans l'histoire des luttes anticolonialistes. Je dis trois parce que les représentants du Niger ont été empêchés d'exercer leur droit de parole à l'Assemblée.

 

Chacun dans leur style, ils ont vivement critiqué l'attitude des pays occidentaux qui qualifient leurs processus de non démocratiques sans analyser la racine des problèmes sociaux que le système de gouvernance qui leur a été imposé, celui de la démocratie libérale, n'a pas été en mesure de résoudre. Ils ont clairement indiqué qu'ils allaient désormais développer leur propre système et donner la priorité aux problèmes sociaux et économiques.

 

Ils ont également critiqué les discours paternalistes à l'égard de leur pays qui placent les Africains toujours dans l'ombre d'un autre pays. Mamady Doumbouya, président de la Guinée lui-même, les a qualifiés d'insultants et de racistes.

 

Le président guinéen, Mamady Doumbouya, à New York, le 21 septembre 2023 - Timothy A. Clary / AFP

Le président guinéen, Mamady Doumbouya, à New York, le 21 septembre 2023 - Timothy A. Clary / AFP

Bassolma Bazié, ministre d'État du Burkina Faso, a été plus direct en déclarant que son pays établira des alliances stratégiques "avec qui il veut et achètera ses moyens de défense avec qui il veut", et qu'il fera des affaires directement et sans intermédiaire avec n'importe quel pays, "qu'il s'appelle Russie ou Corée du Nord".

 

Ils ont critiqué les discours paternalistes à l'égard de leurs pays, qui placent toujours les Africains dans l'ombre d'un autre pays.

 

Le troisième point important dans les trois discours est la sécurité. Pour Abdoulaye Diop, ministre des Affaires étrangères du Mali, le soutien occidental n'est "pas à la hauteur" de la lutte contre le terrorisme, qui trouve son origine dans la guerre de l'OTAN contre la Libye. C'est cette même "diplomatie de l'hypocrisie", selon les termes de Bazié, qu'ils veulent appliquer au Niger, et ils ne le permettront pas.

 

La France quitte enfin le Niger

Quelques jours plus tard, le président français Emmanuel Macron a annoncé qu'il retirerait la présence de son pays au Niger, ce qui impliquait de coordonner avec la junte militaire le départ ordonné des troupes françaises d'ici décembre de cette année. Dans le même temps, son ambassadeur est parti immédiatement.

 

Face à cette défaite politique et au comble de l'arrogance, il a ajouté pour se justifier qu'au Niger "on ne veut plus lutter contre le terrorisme".

 

Depuis le 26 juillet, date du coup d'État, les Nigériens sont descendus dans la rue pour manifester devant l'ambassade de France et ses bases militaires et réclamer son départ. Cette fois-ci, ils sont sortis à nouveau, mais pour faire la fête. Dans les rues, une chanson du groupe Goumbé Star intitulée "We need Tchiani", en référence au président de la junte militaire, a été diffusée.

 

Tentative de coup d'État au Burkina Faso

Le 27 septembre, le gouvernement de transition du Burkina Faso a annoncé qu'une tentative de coup d'État avait été déjouée en tentant d'assassiner le président, le capitaine Ibrahim Traoré, et que des membres des forces de défense étaient impliqués.

 

En réaction, des milliers de citoyens sont descendus dans les rues pour soutenir le président. Des vidéos diffusées sur les réseaux sociaux ont montré des rassemblements spontanés de jeunes gens acclamant IB, comme Traoré a été surnommé, et criant des slogans tels que "la patrie ou la mort, nous vaincrons".

 

Le 30 septembre, ils sont sortis à nouveau, mais cette fois pour célébrer la première année du gouvernement de transition.

 

Les tentacules du colonialisme

La crise du Sahel occidental a commencé avec la guerre de l'OTAN contre la Libye. Pendant dix ans, les pays occidentaux ont prétendu lutter contre le terrorisme, mais n'ont fait que le renforcer.

 

Dans le même temps, ce sont des décennies de conditionnement à la "coopération au développement", qui ne font qu'engendrer la dépendance et sont toujours soumises à des "élections démocratiques" qui ont toujours abouti à faire gagner des élites corrompues et inféodées aux intérêts occidentaux.

 

Lassés de cette situation, lorsqu'ils ont pris le pouvoir par la force, ils les ont sanctionnés, et maintenant ils cherchent à les étouffer par une guerre économique.

 

En revanche, les actions des pays non occidentaux témoignent d'une attitude différente. Le 22 septembre, dans son message à la nation, le président malien Assimi Goita a remercié la Russie pour son soutien en matière de sécurité. L'Iran a annoncé sa volonté de construire une raffinerie au Burkina Faso. L'ambassadeur de Chine au Niger a proposé sa médiation entre le Niger et la Communauté économique des États de l'Afrique de l'Ouest (CEDEAO) pour lever les sanctions et mettre fin aux menaces de guerre.

 

Aujourd'hui, les pays africains ont des options. Le monde multipolaire permet aux nations en lutte pour leur souveraineté de diversifier leurs partenaires et de construire ainsi leur propre destin.

 

Au lieu de comprendre, les pays occidentaux ont diversifié leurs formes de domination. L'une d'entre elles consiste à utiliser leur appareil médiatique pour discréditer, ridiculiser et entraver toute tentative de libération des peuples.

 

Le colonialisme a été et reste une seule et même chose. Ne perdons pas de vue ses origines.

 

Traduction Bernard Tornare

 

Source en espagnol

Il n'y a pas de "nouveau colonialisme" en Afrique : les pays du Sahel répondent à l'Occident

Maria Fe Celi Reyna est une analyste politique péruvienne. Elle réside en Chine depuis 2018. Elle se spécialise dans les questions liées à la Chine, à l'Amérique latine et à l'émergence du nouveau monde multipolaire. Elle est doctorante en histoire mondiale à l’Université de Shanghai.

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