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Et un jour, l'Amérique latine s'est levée - Biographie de Hugo Chávez (chapitres 18 - 20)

par Bernard Tornare 4 Mars 2022, 12:36

Et un jour, l'Amérique latine s'est levée -  Biographie de Hugo Chávez (chapitres 18 - 20)

Par Roberto Silva 

Traduction : Gil B. Lahout

 


Chapitre 18 – L’économie au service du peuple

 

 
Le 25 avril 1999, le Congrès contrôlé par l’opposition avait concédé au nouveau président des pouvoirs spéciaux pour six mois, lui donnant ainsi la faculté de gouverner par décret dans le domaine économique. La situation était en effet délicate. La baisse des prix du pétrole avait accru le déficit budgétaire, qui atteignait désormais 9% du PIB. De plus, la dette extérieure dépassait 35 milliards de dollars et les remboursements mobilisaient 40% du budget de la nation. 

 


Un des problèmes historiques de l’économie vénézuélienne est le manque de devises pour acheter à l’étranger les produits de première nécessité. En effet, le pays importe 70% des aliments qu’il consomme. Parmi les premiers dossiers à traiter figurait donc la hausse de la production agricole. C’est dans ce cadre que Chávez promulgua, le 8 novembre 2001, la Loi sur les Terres. Et ce n’est pas un hasard si, un mois plus tard, avait lieu le premier lockout patronal. 

 


Selon le gouvernement, le latifundium était contraire à l’intérêt social. De plus, ce système permettait l’existence de terres non exploitées. Le latifundium se définit comme une propriété foncière de plus de 5 000 hectares de terres sous-exploitées. À l’époque, 80% des terres cultivables appartenaient à 5% de propriétaires, alors que 75% des paysans ne disposaient que de 6% des terres. Le nombre d’hectares inutilisés était estimé à 30 millions. La Loi sur les Terres fit sentir ses effets à court terme. En 2002, 59 000 hectares étaient incorporés à l’activité agricole, mais l’année suivante fut celle du grand saut, avec 1,5 millions d’hectares. Puis, 2 millions d’hectares supplémentaires furent ajoutés en 2004, et 4 millions en 2006. 

 


Cependant, une grande partie de ces terres mises en production appartenait à l’État. Le 8 septembre 2002, lors d’une cérémonie présidée par Chávez, 40 000 hectares furent accordés à des familles de paysans dans l’état de Zulia. Le nombre de familles bénéficiaires de ces distributions de terres est estimé à plus de 100 000. Quant aux propriétaires expropriés, malgré les indemnités reçues, ils considéraient ces expropriations illégales et introduisirent des recours en justice, où ils trouvaient des juges toujours disposés à statuer en faveur des puissants. Certains propriétaires parvinrent ainsi à déloger des paysans et des coopératives. Mais des organisations de paysans dénoncèrent aussi des cas d’éviction par la force. Et parfois, les grands propriétaires fonciers en vinrent à engager les services de groupes paramilitaires qui usaient de la violence contre les paysans, avec un bilan à déplorer de 200 paysans assassinés.

 

 
Après une amélioration de l’économie dans les premières années (1999-2001), 2002 et 2003 furent particulièrement difficiles en raison du constant harcèlement putschiste et du sabotage pétrolier. Mais après ces durs moments, les indicateurs économiques commencèrent à afficher une hausse soutenue. 

 


Examinons quelques chiffres du gouvernement de Chávez pour montrer combien la réalité est déformée dans le but de le discréditer. Ainsi, les auteurs Cristina Marcano et Alberto Barrera Tyszka clôturent leur livre par une série de statistiques visant à démontrer que le gouvernement vénézuélien n’a pas été bénéfique pour les pauvres. Dans leur manœuvre, ces auteurs annoncent qu’ils se fondent sur les chiffres officiels concernant les foyers pauvres : 


1999 : 42% 
2001 : 39% 
2003 : 54% 

 


Cette année 2003 est celle du sabotage pétrolier, qui a asséné un coup très dur à l’économie vénézuélienne. Mais à partir de 2004, les mêmes auteurs changent la source et donnent les chiffres de l’Université catholique Andrés Bello, une institution noyautée par l’opposition. Ils expliquent aussi qu’il s’agit d’estimations, donc de données partielles, et pour l’année 2004, le pourcentage arrive à 60%. Or, si ces auteurs avaient continué d’utiliser la même source, ils auraient mentionné les données suivantes : 


2004 : 53% 
2006 : 33% 
2011 : 27% 

 


Ces chiffres montrent clairement que le gouvernement de Chávez a permis d’améliorer la situation économique des foyers pauvres. Ce qui est exactement le contraire de ce que prétendaient dénoncer les auteurs cités. 

 


Tout comme ils prétendaient expliquer que le chômage n’avait pas diminué pendant la gestion chaviste. Selon eux, le taux de chômage de 15% en 1998 n’avait pas bougé en 2004. Or, les auteurs se basent toujours sur les années les plus difficiles, alors que le ralentissement économique était dû au sabotage de l’opposition, et non à une mauvaise gestion de la part du gouvernement. Par contre, si Marcano et Barrera avaient poursuivi la comparaison avec les données des années suivantes, ils auraient confirmé une réduction significative du chômage : 10% en 2008 et 9,3% en 2013. 

 


Pour en finir avec les chiffres présentés par Marcano et Barrera, citons aussi l’évolution de la mortalité infantile, qui était de 18,52 pour mille en 1999. En 2003, le taux était descendu à 17,16 pour mille. Mais l’ouvrage de ces chercheurs ne mentionne nullement que ce taux avait encore baissé en 2005 (15,53 pour mille) et encore en 2010 (13,95 pour mille). 

 


De l’avis de Luis Bilbao, les avancées les plus notables du gouvernement bolivarien en matière économique concernent : la diversification de la production, l’intégration des pays d’Amérique latine, la croissance soutenue dans le cadre d’un développement souverain, la redistribution des revenus, le développement de l’éducation à tous les niveaux et le renforcement de la base technique, la récupération de PDVSA et la nationalisation d’entreprises privées dans des secteurs clés. 

 


À partir de 2008, le gouvernement nationalise une série d’entreprises privées dans des secteurs fondamentaux. Certaines avaient été privatisées pendant les législatures précédentes. Cette année-là, l’économie affiche un record de croissance, les réserves internationales ont augmenté, le prix du brut est élevé. Le peuple consomme comme jamais auparavant et les revenus pétroliers sont redistribués au moyen de programmes sociaux visant la population à bas revenus. 

 


L’évolution du PIB constitue une autre donnée importante de l’avancée économique dans l’ère chaviste. Pendant les années 2002 et 2003, la conspiration provoqua la chute du PIB, de 8,9% et 7,8% respectivement. En revanche, 2004 marque une hausse spectaculaire de 18,3% du PIB. Pour 2005 et 2006, la croissance revient à 10,3% et en 2007, à 8,4%. 

 


Le nombre de pensionnés est passé de 387 000 en 1998 à 1 124 600 en 2007. Entre 1999 et 2005, quelque 3 750 écoles publiques ont été construites, tandis que les inscriptions dans les établissements d’enseignement supérieur passaient de 668 000 en 1998 à 2 130 000 en 2007. Et sur la même période, 8 universités publiques et 5 privées étaient fondées. 

 


Cependant, une majorité du patronat joua un rôle contraire à l’intérêt général, notamment avec une fuite constante de capitaux qui provoqua des dévaluations successives et, partant, une hausse de l’inflation. Mais cela suscita aussi de mesures drastiques de la part du gouvernement. 

 


Une autre forme de résistance au gouvernement populaire consistait en des manœuvres spéculatives qui, à partir de 2008, entraînèrent de fortes pénuries de produits de première nécessité. Cette même année, le gouvernement dut assigner, entre janvier et avril, quelque 2 milliards de dollars à l’importation de produits alimentaires. 

 


En janvier 2007 il fut décidé de nationaliser plusieurs sociétés d’électricité dans différentes villes du pays. En mai, c’était au tour de la société de téléphonie CANTV. En corollaire de cette nationalisation, une diminution de 20% des tarifs est décidée, pour la téléphonie fixe et mobile, et des tarifs spéciaux pour les quartiers défavorisés sont établis. 

 


Le secteur de la construction affichait aussi une croissance considérable. Mais pour soutenir ce développement, il fallut nationaliser les entreprises de ciment, contrôlées pour la plupart par des groupes étrangers. Plusieurs d’entre elles furent expropriées : CMEX (mexicaine), Holcim (suisse) et Lafarge (française). À elles seules, ces trois entreprises contrôlaient 93% du marché vénézuélien du ciment. 

 


En réponse à l’accaparement et à la pénurie induite de lait, l’État racheta la société Lácteos de Los Andes, qui détenait 35% du marché. Le Venezuela produisait chaque jour 3,5 millions de litres de lait, c’est-à-dire 50% de la consommation nationale. Il fallait dès lors recourir à l’importation pour couvrir le reste. Le gouvernement décida donc de racheter la société de traitement Santa Barbara, ainsi que le centre de congélation CEALCO, à Cagua, dans l’état d’Aragua. 

 


Et dans le même but de fournir des produits bon marché et combattre la spéculation, le gouvernement expropria aussi des abattoirs et des unités de traitement de la viande, notamment Frobarse dans l’état de Barinas et Fricapeca dans l’état de Zulia. 

 


Le 20 avril 2008, lors d’une cérémonie à Caracas pour la célébration du 1er mai, et en présence de syndicalistes de tout le pays, Chávez annonça la nationalisation de Sidor, appartenant alors à une multinationale d’origine italo-argentine. Sidor était une des sociétés privatisées en 1997. Le long conflit avec les travailleurs de cette société était une des raisons avancées par le chef de l’État pour justifier cette mesure. Ainsi, sur les 13 000 travailleurs employés au moment de sa privatisation, la moitié avait été licenciée et remplacée par une main-d’œuvre sous-traitée au salaire minimum, sans sécurité sociale et dans des conditions d’exploitation. Dans la ville de Puerto Ordaz, les habitants célébraient la nationalisation de Sidor. En Argentine, par contre, les corporations médiatiques et les grands groupes économiques lancèrent une opération par laquelle ils tentaient de rallier des sentiments nationalistes en défense des intérêts économiques de la multinationale Techint (propriétaire de Sidor). Ils firent également tout leur possible pour détériorer les excellentes relations entre les deux pays. Quant au gouvernement argentin, il se limita à exiger une juste compensation, ce que le gouvernement de Chávez n’avait d’ailleurs jamais refusé.

 


Le 31 juillet 2008, ce fut au tour du Banco de Venezuela d’être nationalisé. Cette banque était alors aux mains du groupe financier espagnol Santander

 


La croissance économique, combinée aux hausses de salaires et à une distribution plus juste de la richesse grâce aux plans sociaux, permit de rehausser de manière substantielle le niveau de vie des plus défavorisés. Mais l’embellie concernait aussi la classe moyenne, et même la bourgeoisie vénézuélienne. C’est pourquoi l’opposition à Chávez au sein de ces classes tient plus de facteurs culturels que de raisons économiques.

 

 
Depuis la mi-2007, les pénuries avaient commencé à sévir. Le gouvernement procéda à diverses saisies de marchandises accaparées pour pousser les prix à la hausse, puis imposa un système de fixation des prix. Les Marchés d’Alimentation (MERCAL) furent créés. Il s’agit d’un réseau commercial établi par le gouvernement pour vendre directement les aliments au consommateur, à des prix cassés. Le réseau MERCAL contrôla ainsi jusqu’à 40% de la distribution alimentaire. 

 


Toute cette politique économique entreprise par le gouvernement avait clairement un but social qui fut bénéfique pour les masses. Surtout qu’il fallait aussi esquiver une infinité d’embûches semées par les classes nanties, attachées à une conception où le sens de la solidarité est totalement absent et où prévaut la soif illimitée du lucre. 


Chapitre 19 – La politique sociale 

 

 

Les revenus énormes du pétrole commençaient à être investis dans de multiples projets sociaux pour lutter contre la pauvreté et relever le niveau culturel et économique du peuple vénézuélien. Chaque projet social reçut le nom de Mission. En dresser la liste serait futile, vu le grand nombre de projets mis en œuvre. Nous ne citerons donc que quelques-unes de ces Missions. Dans la première année de gouvernement, l’investissement social connut une hausse considérable, essentiellement dans l’éducation et l’infrastructure. En 2003, 7 missions étaient lancées, mais en 2006, il y en avait déjà 19, puis 30 en 2008. 

 


Le premier projet de ce type mis en place par le gouvernement de Chávez fut baptisé Plan Bolivar 2000. Des civils et des militaires effectuaient dans les quartiers populaires des travaux d’infrastructure à caractère urgent, notamment des réparations dans les écoles, les hôpitaux et même des logements.

 

 
Un des projets les plus réussis fut la Mission Robinson. Il s’agissait d’un plan d’alphabétisation auquel collaborèrent des éducateurs cubains expérimentés dans ce genre d’action. Grâce à la Mission Robinson, le gouvernement vénézuélien éradiqua pratiquement l’analphabétisme. Mais la Mission ne s’arrêta pas là et d’autres actions furent mises en œuvre pour que, après avoir appris à lire et à écrire, les participants puissent continuer d’étudier. Au départ, l’objectif était d’alphabétiser 2 millions de personnes, ce qui donne une idée de l’ampleur du problème à l’époque. Le slogan de campagne était ‘Yo sí puedo’ (littéralement, ‘Oui, je le peux’). Une seconde phase permettant aux alphabétisés de poursuivre des études fut baptisée ‘Oui, je peux continuer’.

 


Ensuite, pour stimuler les études, les Missions Sucre et Ribas furent créées, à l’intention de ceux qui n’avaient pas eu la chance d’étudier ou qui avaient dû abandonner l’école. Ces missions leur offraient des possibilités de reprendre des cours. Le 17 novembre 20003, quelque 450 000 Vénézuéliens commençaient les cours dans le cadre de la Mission Ribas, conçue pour leur permettre de terminer le cycle secondaire, indépendamment de leur âge. Quant à la Mission Sucre, elle visait à aider les intéressés à finir des études supérieures. 

 


Il y avait aussi la Mission Barrio Adentro (‘Au cœur du quartier’), dont le but était d’amener les soins médicaux dans les quartiers populaires. À cette action participaient également des médecins et volontaires cubains, qui collaboraient avec le personnel vénézuélien. Les auteurs Marcano et Barrera font sur le sujet un commentaire amusant pour son caractère ridicule : « En revanche, la présence de Cubains attisa d’ailleurs la peur d’un certain secteur social face à ce qu’il considérait une avancée du projet castro-communiste d’Hugo Chávez ». Si les auteurs citent une tierce personne, le commentaire laisse une impression d’un Venezuela soumis à la volonté de Fidel Castro. Penser qu’un petit pays tel que Cuba puisse représenter un danger pour quiconque ne peut s’expliquer que dans le cadre d’une gigantesque opération de lavage de cerveaux que mène Washington à travers les médias à son service. Mais pour revenir aux questions plus sérieuses, la collaboration de Cuba, par l’envoi d’enseignants d’alphabétisation et de médecins, faisait partie de la réciprocité pour l’aide importante apportée par le Venezuela. Par ailleurs, aucun cas n’a jamais été rapporté de citoyens vénézuéliens colonisés par les Cubains pour le simple fait d’avoir appris les voyelles ou d’avoir guéri d’un bon rhume. 

 


Une autre Mission, MERCAL, mentionnée plus haut, consistait à commercialiser les produits alimentaires sur les marchés populaires, à des prix accessibles. Et par le biais de la Mission Zamora, les communautés paysannes recevaient des terres et bénéficiaient de programmes de formation et d’assistance technique. 

 


Il importe aussi de mentionner la Mission ‘Vuelvan Caras’ (référence à la guerre d’indépendance; cri de guerre qui voulait qu’en pleine retraite, les troupes fassent demi-tour pour contrattaquer). Ce projet était destiné à combattre le chômage et à encourager l’autogestion. Pour la plupart, les bénéficiaires de cette Mission avaient décroché un diplôme dans les missions d’éducation et se voyaient recevoir une bourse et une formation professionnelle pour qu’ils puissent épanouir leurs capacités dans un cadre coopératif. 

 


Le développement des coopératives atteignit un niveau spectaculaire sous l’impulsion du gouvernement chaviste. En 1998, on comptait 877 coopératives dûment enregistrées. En 2002, leur nombre passait déjà les 2 280, mais il est estimé que pour 2006, elles étaient déjà plus de 100 000 dans tout le pays. 

 


Même si nous l’avons déjà évoqué, il est bon de rappeler que cette politique sociale signifia un progrès considérable pour les communautés indigènes, à partir de la reconnaissance de leurs droits dans la Constitution bolivarienne. Ainsi, ces communautés commencèrent à prendre part aux décisions les concernant. Force est toutefois de constater les retards existants dans la délimitation des terres attribuées à ces communautés, en raison de la résistance des propriétaires terriens qui occupaient ces terres. Des cas de violence ont été rapportés, qui ont provoqué des morts et la destruction de logements.

 

 
Ceux qui s’efforcent de déformer la réalité pour présenter un gouvernement autoritaire oublient souvent des aspects fondamentaux. En effet, il est rare que les tyrans se soucient d’élever le niveau d’éducation du peuple. Or, le chavisme n’a jamais rien fait d’autre que de s’attacher à améliorer les niveaux d’éducation et de culture des Vénézuéliens. 

 


Aucune tyrannie n’encouragerait non plus —au contraire— l’organisation populaire permettant d’apporter directement des solutions aux problèmes, sans devoir passer par des intermédiaires bureaucratiques. C’est ici l’aspect du chavisme que la droite déteste le plus : le fait qu’il ait organisé le peuple pour en faire un sujet conscient de ses droits. Ainsi, grâce à l’action des missions, peu à peu naquirent dans les principales villes des associations de quartier œuvrant pour résoudre des problèmes précis tel que la distribution d’eau, le logement, la santé, et même pour dénoncer des cas de corruption. 

 


Parmi ces instances participatives figurent d’abord les conseils locaux de planification publique (CLPP), dont la finalité était de décentraliser les tâches propres aux municipalités, et même de décider de certaines assignations des budgets communaux. Quant aux comités de terre urbaine (CTU), ils furent créés par décret présidentiel dans le but de résoudre les problèmes d’habitat. 

 


Avec le temps, les fonctions des CLPP et des CTU ont été absorbées par un autre type d’organisation : les Conseils communaux. Créés sur une initiative présidentielle à la fin de 2006, leur objectif premier était la participation des citoyens à la résolution des problèmes et à l’amélioration de leurs conditions de vie. Ces conseils communaux géraient des ressources fournies par l’État et avaient pouvoir de décision sur les questions touchant directement le quartier. Les Conseils communaux sont nés du désir de faire participer tous les secteurs sociaux, mais ce sont les classes les plus humbles qui furent les plus intéressées et participèrent à leur création. Un Conseil communal regroupe au moins 200 familles d’une zone urbaine; 50 familles en zone rurale, ou 10 familles d’une communauté indigène. 

 


En parallèle apparurent des organisations à caractère beaucoup plus politique, mais qui favorisaient la participation populaire. C’est le cas des Cercles bolivariens (CB). Et lorsque l’opposition lança le référendum de révocation du mandat de Chávez, le parti gouvernemental transforma les CB en instruments politiques. De nombreux CB s’intégrèrent alors aux Unités de bataille électorale, destinées à mener la campagne de soutien au président. 

 


L’opposition a elle aussi utilisé des instances de participation comme outils de lutte électorale. À partir de la fin 2001, elle encouragea, dans les quartiers de la classe moyenne, les Assemblées citoyennes. Au fil du temps, ces Assemblées abandonnèrent leur fonction d’attention aux problèmes des quartiers pour s’associer aux partis d’opposition, à la centrale syndicale CTV et à la chambre patronale FDECAMARAS, et participer la campagne contre le gouvernement. Après la défaite de l’opposition au référendum, nombre de ces Assemblées se sont éteintes, ou retournèrent à leurs fonctions d’associations de voisins. 


Chapitre 20 – Une défaite, mais de nombreuses victoires 

 

 

À la fin de 2003, l’opposition tente à nouveau de renverser Hugo Chávez. La différence, c’est qu’elle le fera conformément aux attributions que concède la Constitution bolivarienne, qui établit que tous les mandats politiques peuvent être révoqués par référendum. 

 


En novembre de cette année, les opposants commencèrent à collecter des signatures, suivant ainsi la procédure pour demander la tenue d’un référendum. Un long débat s’ensuivit sur la validité des signatures présentées par l’opposition, mais finalement, la Justice accepta la demande de référendum. 

 


Gouvernement et opposition se lancent alors dans la campagne; le premier en faveur du NON, et donc du rejet de la révocation du mandat présidentiel, la seconde pour le OUI. Une victoire de l’opposition aurait signifié la fin du mandat d’Hugo Chávez. 

 


Le 29 février 2004, le chavisme organise un rassemblement imposant à Caracas, dont le président est l’orateur principal. Il dénonce la participation nord-américaine dans la politique interne du Venezuela. Le 15 août, c’est le référendum. Le NON l’emporte haut la main, avec 60% des voix. Une fois encore, l’opposition est battue dans les urnes. Comme à chaque défaite, les anti-chavistes crient à la fraude. Cependant, diverses organisations ayant participé au contrôle des élections excluent catégoriquement toute tricherie, et notamment l’ex-président nord-américain James Carter. 

 


À ce moment, Chávez a remporté 7 échéances électorales : la présidentielle de 1998, le plébiscite de la Constituante en 1999, les élections à la Constituante de 1999, le référendum d’approbation de la Constitution de 1999, les élections présidentielles et de gouverneurs de 2000, les élections municipales de 2000 et le référendum de révocation de 2004. 

 


Et il remporta une nouvelle victoire électorale, peut-être la plus importante : sa réélection en 2006. Son premier mandat avait été marqué par toute une série d’obstacles semés par la déstabilisation des forces anti-chavistes aussi bien vénézuéliennes qu’étrangères qui diffamaient la Révolution bolivarienne et finançaient les activités putschistes. La nouvelle élection présidentielle offrait la possibilité de vérifier ce que le peuple pensait de son président. La réponse fut sans ambages : Chávez triompha avec 63% des votes. 

 


Après cette réélection, le gouvernement passe à l’offensive pour renforcer le cap révolutionnaire. Cette offensive peut se résumer à deux décisions : la tentative de réforme constitutionnelle et le lancement du Parti socialiste uni du Venezuela (PSUV). La réforme visait la modification de 69 articles de la Constitution bolivarienne. Cette initiative souleva une énorme réaction de l’opposition, qui concentra ses attaques sur les changements qui donnaient plus de pouvoirs au président et laissa de côté nombre de mesures signifiant des avancées progressistes. 

 


Ainsi, la réforme allongeait de 6 à 7 ans le mandat présidentiel et n’imposait plus de limites à la réélection. Elle donnait aussi au président la faculté de créer des régions spéciales à des fins stratégiques et de nommer les autorités dans ces zones. Elle augmentait enfin les pourcentages de signatures à collecter pour activer les mécanismes de consultation populaire. Mais les modifications proposées visaient aussi une réduction du temps de travail à 6 heures par jour et 36 heures par semaine, ainsi que la création d’un fonds de sécurité sociale pour les travailleurs autonomes

 


La réforme proposée provoqua plusieurs déchirures dans le camp chaviste. Le général Baduel (un des officiers ayant prêté serment au Samán de Güere avec Chávez), notamment, affirma son désaccord. Le groupe politique PODEMOS (fruit d’une séparation du parti MAS) s’opposa également à la réforme. 

 


Le référendum était convoqué pour le 2 décembre 2007. Ce fut la seule et unique défaite électorale d’Hugo Chávez, avec à peine 1,31% de différence. Mais cet épisode permet aussi d’observer l’attitude de l’opposition, et aussi de la grande presse, prête à dénoncer une fraude électorale, comme à chaque défaite de l’opposition. De fait, Reuters, CNN et le quotidien El País (Espagne) annonçaient la victoire de la réforme, mais Chávez prit la parole pour reconnaître la défaite. 

 


Dès le lendemain, les médias proclamaient déjà la fin du chavisme. Commença alors une campagne constante de pénurie orchestrée par le patronat en vue de susciter le mécontentement de la population. Chávez remania son cabinet ministériel et annonça une série de pardons et d’amnisties en faveur de certains rivaux politiques. Il confirma aussi le lancement du Parti socialiste uni du Venezuela (PSUV). 

 


Le 15 décembre 2006, Chávez appela pour la première fois à la constitution d’un seul parti pour toutes les organisations qui soutenaient le gouvernement. Les partis refusant de se dissoudre ne pourraient plus entrer dans le gouvernement. Cette obligation fut ensuite assouplie. Mais trois partis rejetèrent l’initiative : PODEMOS, déjà en désaccord avec le gouvernement national sur plusieurs points; PPT (Patrie pour Tous), et le Parti Communiste, bien que ce dernier continua de soutenir la révolution. Plusieurs militants des deux premiers partis se désaffilièrent pour entrer dans le nouveau parti gouvernemental. Le 14 mai 2008, Chávez prit la présidence du PSUV. La création du parti supposa une énorme organisation populaire, grâce aux Bataillons socialistes, dont le nombre dépassa 19 000 dans tout le pays. 

 


En décembre 2008, l’Assemblée nationale approuvait une réforme constitutionnelle pour supprimer les limites à la réélection pour tous les postes politiques, y compris présidentiel. La proposition de réforme était soutenue par les signatures de 4,7 millions de citoyens. Le 15 février 2009, les Vénézuéliens approuvent cette modification par référendum, avec 55% des voix. 

 


Lorsque Chávez se présenta à une deuxième réélection, toute l’opposition serra les rangs derrière son candidat, Henrique Capriles Radonski. La presse internationale qui, jour après jour, avait diffamé Chávez, espérait qu’enfin, l’ennemi si honni serait défait. 

 


L’opposition et la grande presse d’Argentine firent le voyage au Venezuela, dans l’espoir de lever la main victorieuse de Capriles. Ce fut un spectacle lamentable, qui finit en queue de poisson. La star du groupe de presse Clarín n’allait pas ramener la bonne nouvelle à ses patrons, si bien qu’il fit tout un show à l’aéroport de Caracas, pour tenter de dénoncer une censure à la presse, qui n’avait jamais existé. 

 


Mais Chávez avait encore gagné! Il affronta un conglomérat de forces réactionnaires et l’usine médiatique répondant aux intérêts de l’Empire. Et il en sortit vainqueur, réunissant 55% des votes le 7 décembre 2012. Deux mois plus tard, le chavisme remportait 20 gouvernorats sur 23.

Traduction : Gil B. Lahout

 

Source en espagnol 

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