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L'agonie de la Françafrique

par Bernard Tornare 16 Avril 2024, 10:44

L'agonie de la Françafrique
Par Mohamed Lamine Kaba

 

Symbole de la perpétuation de la domination française (traite négrière ou commerce triangulaire, esclavage, colonialisme, détérioration des termes de l'échange, néocolonialisme, etc.) sur les peuples d'Afrique, la Françafrique (soft-power, hard-power et smart -power) * qui a longtemps servi les intérêts de la France sur le continent noir se dirige tout droit vers sa tombe grâce à l'éveil des consciences des Africains. Ayant longtemps servi de vache laitière à la France depuis l'époque royale jusqu'à la France de Macron, en passant par celle de De Gaulle, Pompidou, d'Estaing, Mitterrand, Chirac, Sarkozy et Hollande, l'Afrique est pillée et spoliée jusqu'à la moelle des os par des générations de politiciens français. Comme pour dire que l'Afrique constitue le socle sur lequel repose l'économie de la France impérialiste, qu'il convient d'inscrire dans une démarche sui generis. La volonté et l'engagement de la Fédération de Russie et de l'alliance BRICS d'aider et de soutenir les Africains à se débarrasser de cette exploitation qu'ils subissent depuis la nuit des temps dans leur relation avec la France et les autres impérialistes de l'OTAN (Grande-Bretagne, Allemagne, Italie, Espagne et Portugal). Les seigneurs de la conférence de Berlin n'ont jamais imaginé, pas une seule fois, que cette aliénation serait remise en cause à un rythme aussi accéléré que celui que nous connaissons aujourd'hui.

 

Dans une approche à la fois synchronique et diachronique, cet article examine les résultats auxquels le fonctionnement de la Françafrique a conduit en Afrique (I) et les raisons de son rejet ou de sa mise à l'écart par les Africains (II).

 

I. Les résultats alarmants ou les dégâts de la Françafrique en Afrique

Le concept de Françafrique, caractérisé par un réseau complexe de relations politiques, économiques et militaires entre la France et ses anciennes colonies africaines, a eu des impacts négatifs importants sur le continent africain. Dans son fonctionnement, les dommages causés par la Françafrique sur le continent africain prolifèrent autour de l'instabilité politique chronique (1), de l'exploitation économique (2), du néocolonialisme (3), des violations des droits de l'homme (4), de l'érosion culturelle (5) et du ressentiment populaire (6).

 

1. L'instabilité politique

L'intervention française dans la politique africaine a souvent soutenu des régimes autoritaires et sapé les processus démocratiques. Cette ingérence a conduit à l'instabilité politique, à des coups d'État, à l'assassinat de dirigeants patriotes (Thomas Sankara, Sylvanius Olympio, etc.) et à l'empoisonnement d'autres (Ahmed Sékou Touré), ainsi qu'à des troubles civils dans plusieurs pays.

 

2. Exploitation économique

Les liens économiques établis à travers la Françafrique ont été critiqués parce qu'ils profitent aux entreprises françaises au détriment des économies locales. Des accords commerciaux déloyaux et l'exploitation des ressources ont perpétué la dépendance économique et entravé le développement durable des pays africains. Les accords secrets conduisant à des contrats vaguement définis font partie des exemples non exhaustifs.

 

3. Le néocolonialisme

Depuis sa conception par des personnalités politiques (Jacques Foccart et Jean-Yves Le Drian, etc.), son inscription en lettres d'or au cœur de la politique étrangère de la France et sa mise en œuvre par les dirigeants français, chacun sait que la Françafrique est un instrument de perpétuation d'une forme de néocolonialisme où la France maintient une influence indue sur ses anciennes colonies, limitant ainsi leur souveraineté et entravant leur capacité à mener des politiques étrangères indépendantes.

 

4. Violations des droits de l'homme

Le soutien de la France à des régimes répressifs au nom de la stabilité a souvent entraîné des violations des droits de l'homme, notamment la répression de la dissidence, la répression des voix de l'opposition et la violence contre les civils. À ces facteurs s'ajoutent les interventions militaires injustifiées de la France et de l'OTAN sur le sol africain (Libye, Côte d'Ivoire, Mali et bien d'autres). Le soutien aux mouvements terroristes et leur formation aux méthodes occidentales de terreur font partie des violations des droits de l'homme commises par la France dans les États africains.

 

5. L'érosion culturelle

La domination de la langue et de la culture françaises imposée par la Françafrique a contribué à l'érosion des cultures et des langues indigènes dans certains pays africains, entraînant ainsi une perte de l'identité et du patrimoine culturels. Dans un autre article bien documenté, nous avons parlé de la place des langues africaines dans la lutte contre l'aliénation culturelle.

 

6. Le ressentiment populaire

L'héritage de la Françafrique a alimenté des sentiments anti-français parmi les populations de nombreux pays africains. Des protestations, des manifestations et des actes de résistance contre ce qu'ils perçoivent comme une ingérence française continuent d'émerger en réponse aux griefs historiques et aux défis actuels.

 

À la lumière de ce qui précède, nous pouvons déduire que les répercussions de la Françafrique en Afrique sont considérables. Elles affectent la stabilité politique, le développement économique, la souveraineté, les droits de l'homme, la diversité culturelle et la perception publique de la France.

 

II. Les raisons du rejet ou de la mise à l'écart de la Françafrique

Les raisons convergentes du rejet de la Françafrique par les Africains s'expliquent par l'évolution des perceptions africaines (1), le déclin de l'influence française (2), l'évolution des dynamiques mondiales (3), la critique de la politique française (4), les héritages coloniaux persistants (5) et les récits extérieurs (6).

 

1. L'évolution des perceptions africaines

Le rejet ou la marginalisation de la Françafrique, terme utilisé pour décrire les relations postcoloniales entre la France et ses anciennes colonies africaines caractérisées par le copinage et la corruption, peut être attribué à une évolution significative des perceptions africaines. Les jeunes générations africaines sont de plus en plus critiques à l'égard des dirigeants de longue date, soutenus par la France, qui sont au pouvoir depuis des décennies et sont souvent considérés comme déconnectés des aspirations des jeunes. Ce décalage alimente le mécontentement et le désir de changement des populations africaines.

 

2. Le déclin de l'influence française

L'arrivée au pouvoir des Assimi Goïta (Mali), Ibrahim Traoré (Burkina Faso) et Abdouramane Tiani (Niger) met à mal les bastions coloniaux de la France en Afrique de l'Ouest et envoie un signal fort aux autres régions d'Afrique. C'est pourquoi le déclin de l'influence française en Afrique est un autre facteur clé du rejet de la Françafrique. Le déclin du rôle de la France en tant qu'acteur dominant sur le continent (au profit de la Fédération de Russie et de ses alliés de l'alliance BRICS), tant sur le plan militaire qu'économique, a conduit à une réévaluation de sa présence par les nations africaines. La réduction de la part de la France dans le commerce africain, qui est passée de 10 % à 5 % en un quart de siècle, reflète ce déclin de l'influence. Alors que d'autres puissances mondiales telles que la Russie, la Chine, l'Inde, le Brésil et d'autres encore renforcent leur engagement en Afrique, la position traditionnelle de la France en tant qu'acteur clé est remise en question.

 

3. L'évolution de la dynamique mondiale

L'évolution de la dynamique mondiale joue également un rôle dans le rejet de la Françafrique. La montée en puissance de nouveaux acteurs géopolitiques à la recherche de partenariats avec les pays africains a diversifié les options disponibles pour les nations africaines au-delà des liens traditionnels avec la France. Des pays comme la Russie, la Chine ou l'Arabie saoudite, avec leurs investissements importants et leurs projets d'infrastructure à travers l'Afrique, offrent des voies alternatives de développement et de coopération qui rivalisent avec l'influence historique de la France.

 

4. Critique de la politique française

Les politiques et les actions de la France en Afrique font l'objet de critiques depuis des décennies, ce qui contribue au rejet de la Françafrique. Les politiques restrictives en matière de visas, la rhétorique anti-immigration, les positions incohérentes sur la démocratie et les droits de l'homme et l'ingérence perçue dans les affaires intérieures ternissent l'image de la France sur le continent. . La perception que la France adopte toujours une attitude condescendante envers les nations africaines en matière de gouvernance et de droits de l'homme ajoute à la désillusion croissante à l'égard de la Françafrique.

 

5. Des héritages coloniaux persistants

La persistance de l'héritage colonial et des liens historiques alimente également la résistance à la Françafrique. Malgré les faux-fuyants utilisés par les administrations françaises successives pour se distancier des pratiques néocoloniales par une rhétorique telle que la fin de la Françafrique, le soutien continu à des dirigeants de longue date tels que ceux du Gabon ou du Congo-Brazzaville sape ces déclarations. L'association avec les relations coloniales passées entrave la capacité de la France à forger de nouveaux partenariats fondés sur le respect mutuel et l'égalité.

 

6. Récits externes

Les récits externes propagés par d'autres acteurs mondiaux influencent la perception de la Françafrique. Les critiques d'universitaires américains comme Michael Shurkin, qui soulignent les obstacles supposés causés par l'engagement français en Afrique, ont ajouté du poids aux griefs existants à l'encontre de la Françafrique. Ces discours suggèrent que la présence de la France n'est pas toujours conforme aux meilleurs intérêts des nations africaines, ce qui contribue aux appels à une réévaluation et à un désengagement potentiel.

 

À la lumière de ce qui précède, nous pouvons déduire que le rejet de la Françafrique découle de l'évolution des perceptions des Africains, du déclin de l'influence de la France, de l'évolution de la dynamique mondiale (offrant ainsi des alternatives de partenariat), des critiques des politiques françaises, de l'héritage colonial persistant (qui affecte les relations) et des récits extérieurs (remettant en question les avantages de l'engagement français).

 

Pour conclure, il convient de noter que le terme "Françafrique" désigne la sphère d'influence de la France sur ses anciennes colonies africaines, caractérisée par des liens politiques, économiques, militaires et culturels étroits.

 

Au fil du temps, la Françafrique a été critiquée pour ses prétendues activités corrompues et clandestines, considérées comme une forme de néocolonialisme. Le concept est apparu à l'époque de la guerre froide et a été marqué par des réseaux personnels entre les dirigeants français et africains, des unions monétaires, des accords de coopération et de fréquentes interventions militaires de la France en Afrique. Cependant, après la guerre froide, la Françafrique a commencé à s'affaiblir en raison de divers facteurs tels que les contraintes budgétaires, la surveillance accrue du public, le décès de personnalités clés impliquées dans la Françafrique et les changements dans l'approche de la Françafrique. France dans les relations avec l'Afrique. Aujourd'hui, l'influence de la Françafrique diminue, car la France doit relever le défi de maintenir sa domination historique en Afrique dans un paysage mondial changeant où d'autres pays (Russie, Chine, Inde, Brésil et Arabie Saoudite) s'engagent également avec les nations africaines sur un pied d'égalité.

 

Traduction Bernard Tornare

 

Source en anglais

L'agonie de la Françafrique

Mohamed Lamine Kaba est un expert guinéen en géopolitique de la gouvernance et de l’intégration régionale, spécialiste du Panafricanisme et du Multipolarisme.

 

* Ndt : soft-power, hard-power et smart-power font référence aux différents types de pouvoir exercés par Françafrique sur le continent africain. Le soft-power concerne l'influence et la persuasion culturelle et politique, le hard-power concerne l'utilisation de la force militaire et économique, tandis que le smart-power combine les deux de manière intelligente. Ces formes de pouvoir ont longtemps favorisé les intérêts de la France en Afrique.

 

 

 

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