Blog politique de réflexion et d'information de Bernard Tornare orienté en grande partie vers l'Amérique latine, principalement sur le thème de la Révolution bolivarienne au Venezuela. Selon l'actualité, cependant, d'autres sujets peuvent y être abordés. Ce blog n'est pas neutre. Malgré sa partialité et son inclination idéologique, il essaye d'être objectif.

La question fondamentale

par Bernard Tornare 8 Février 2023, 20:07

Alors que la Russie, l'Iran, l'Inde, l'Amérique latine et l'Afrique font de leur mieux pour se débarrasser de l'hégémonie de l'Occident, ce dernier cherche désespérément à établir de nouvelles alliances grâce auxquelles il pourrait empêcher la naissance de ce système multipolaire.

Les guerres dont nous sommes témoins, qu'il s'agisse de la guerre militaire en Ukraine, des guerres douces en mer de Chine ou des guerres culturelles dans ce que le néolibéralisme déforme et trace pour l'humanité, sont toutes des manifestations d'une forte opposition de l'Occident à l'établissement de ce monde multipolaire.

Par Bouthaina Shaaban

Le problème central auquel l'humanité est confrontée aujourd'hui peut se résumer comme suit :

Il n'y a pas de leader politique ou moral dans ce monde, car les plus forts militairement et financièrement recherchent des pouvoirs militaires et financiers supplémentaires, et le système issu de la Seconde Guerre mondiale et établi par l'accord de tant de pays s'effondre véritablement, sans qu'aucune alternative ne soit encore en place. Les pays du BRICS, l'Organisation de coopération de Shanghai et de nombreux pays asiatiques tentent d'établir un système multipolaire dans le monde, où aucune opinion ne peut avoir un veto absolu sur la volonté de tant de pays.

Les guerres auxquelles nous assistons, qu'il s'agisse de la guerre militaire en Ukraine, des guerres douces en mer de Chine ou des guerres culturelles dans ce que le néolibéralisme déforme et trace pour l'humanité, sont toutes des manifestations d'une forte opposition de l'Occident à l'établissement de ce monde multipolaire. Alors que la Russie, l'Iran, l'Inde, l'Amérique latine et l'Afrique font tout leur possible pour se débarrasser de l'hégémonie du dollar, de l'hégémonie de la volonté de l'OTAN, de l'hégémonie de l'Occident qui a pillé les ressources du monde entier pendant des décennies, l'Occident cherche désespérément à établir de nouvelles alliances qui lui permettraient d'empêcher la naissance de ce système multipolaire.

De ce point de vue, nous pouvons comprendre les efforts persistants que les États-Unis déploient avec le Japon, la Corée du Sud, les Philippines et Taïwan pour établir une alliance en mer de Chine afin de menacer la Chine et d'empêcher toute mesure que celle-ci souhaite prendre pour assurer l'avènement d'un système multipolaire. Les efforts des États-Unis et ce qu'ils appellent une "alliance écho" avec l'Australie et le Canada peuvent également être compris dans le même contexte, afin d'effrayer la Chine de tout effort sérieux d'alignement avec d'autres pays qui pourraient subvertir l'hégémonie de l'Occident dans le monde.

Dans la même perspective, nous pouvons comprendre la compétition actuelle en Afrique entre la Chine, la Russie, et les anciens colonialistes : La France et les États-Unis. Bien entendu, l'Occident n'est pas intéressé par l'essor, l'égalité ou la prospérité des Africains. Tout ce qui intéresse l'Occident, c'est ce que ces pays possèdent, comment ils peuvent piller l'or et d'autres minéraux précieux, et comment ils peuvent piller cette richesse sans rien payer en retour afin de soutenir leurs économies et de construire leurs pays aux dépens de la vie et de la prospérité des Africains.

L'Amérique latine ne fait pas exception non plus. Alors que Chávez, Lula da Silva et d'autres leaders nationalistes ont essayé et réussi à secouer les chaînes des États-Unis de leurs pays, les États-Unis intensifient leurs efforts en Amérique latine pour empêcher la libération de la volonté de tous les pays d'Amérique latine qui ont été considérés pendant des décennies comme l'arrière-cour des États-Unis.

Quant à notre région, le Moyen-Orient, les États-Unis ont récemment, ou l'année dernière, ajouté "Israël", l'entité sioniste, en tant que membre du CENTCOM pour la première fois dans l'histoire, ce qui signifie que les États-Unis ont désigné "Israël" comme leur représentant militaire dans la région afin de faire ce qu'ils jugent bon pour préserver l'hégémonie des États-Unis, et étendre l'hégémonie sioniste sur la volonté des peuples arabe et iranien dans le monde arabe et en Iran. Le problème ici n'est pas traditionnel : l'entité sioniste ne lance pas des guerres à la frontière avec son armée, ses chars et ses avions ; elle lance des guerres de renseignement à l'intérieur des pays pour tenter de changer les systèmes politiques de ces pays et d'en faire des États satellites qui reflètent la volonté des Israéliens et, par défaut, la volonté des Américains et de l'Occident.

C'est, en substance, la raison de la guerre terroriste qui a été lancée contre le peuple syrien au cours des 12 dernières années. C'est, en substance, la raison pour laquelle les pays de l'OTAN ont détruit la Libye et trahi la Russie (et, en fait, n'ont pas tenu leur promesse à la Russie qu'elle allait faire partie de leur alliance). Le résultat est que le pétrole libyen est partagé entre l'Italie, la France et les États-Unis ; il a été pillé par ces pays, tandis que le peuple libyen reste appauvri, dispersé et incapable d'assurer sa subsistance.

C'est, encore une fois, ce qui se passe en Iran depuis l'année dernière. "Israël", l'entité sioniste, utilise ses renseignements pour recruter des Iraniens et d'autres probablement, qui seront ses agents pour réaliser son agenda en Iran, sans lancer une guerre traditionnelle, et c'est dans ce contexte que nous pouvons observer ce qui se passe en Iran de revendications sur la liberté des femmes ou d'autres appels démocratiques ou autre. Si les Israéliens et les Américains croient à la liberté des femmes et aux droits des femmes, alors dites-moi ce qu'il advient des 29 prisonnières palestiniennes qui sont harcelées et soumises dans les prisons israéliennes, dans le cadre d'une répression sans précédent contre les femmes.

L'entité israélienne est l'occupation la plus raciste de l'histoire après l'Afrique du Sud. Elle tue les Palestiniens à bout portant, détruit leurs maisons, vole leurs biens, pille leurs terres et commet les pires crimes dont l'humanité est témoin de nos jours. Pourtant, "Israël" est le partenaire de l'Occident qui tente d'assujettir d'autres pays et de saper le libre arbitre de tout gouvernement et de toute personne qui refuse d'être un agent de cette puissance qui ne s'intéresse qu'à l'industrie militaire, à l'accumulation de plus de richesses et à l'apport de plus d'argent aux plus riches du monde qui ont fait leur richesse en pillant d'autres personnes et d'autres pays.

Il est donc du devoir de toute personne réellement libre de s'opposer fermement à cet horrible processus de l'Occident visant à contrôler la volonté des autres pays. Et de ce point de vue, je peux certainement dire que la guerre que la Russie mène en Ukraine contre l'OTAN n'est pas seulement une guerre russe ; c'est une guerre mondiale, et il n'est pas juste de laisser les soldats russes et le peuple russe se battre seuls dans une guerre que l'humanité entière doit mener.

L'OTAN a imposé cette guerre à la Russie, et elle cherche désespérément à vaincre la Russie afin de terrifier tout pays qui pourrait penser à se dresser contre l'hégémonie occidentale. La Russie ouvre la voie à un monde différent, et de nombreux dirigeants occidentaux ont annoncé qu'ils envoyaient des billions de dollars et des armements dans le but d'empêcher la victoire russe. La victoire russe signifierait la défaite occidentale, et la défaite occidentale signifierait la fin de l'hégémonie occidentale sur le monde. C'est ce que l'Occident ne peut se permettre, et c'est pourquoi l'Occident considère cette guerre comme une guerre existentielle. En fait, c'est une guerre pour tous les habitants du monde, mais pour des raisons différentes de celles de l'Occident.

Traduction Bernard Tornare

Source en anglais

Bouthaina Shaaban est professeur de littérature anglaise à l’Université de Damas (UA), une écrivaine et ministre au gouvernement syrien des Affaires étrangères. Avant d’occuper son emploi ministériel actuel, elle était directrice des médias étrangers au ministère des Affaires étrangères en Syrie. Elle est titulaire d’un doctorat et une maîtrise en littérature anglaise de l’Université de Warwick, Royaume-Uni, en plus d’une licence en littérature anglaise de l’UA.