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Venezuela : éléments historiques et actuels du fascisme

par Bernard Tornare 10 Avril 2024, 12:06

Orlando Figuera avait 22 ans et se consacrait à l'entretien et au stationnement de véhicules dans un supermarché de Las Mercedes, lorsqu'il a été lynché et brûlé vif le 20 mai 2017 sur la Plaza Altamira par des guarimberos. Il est décédé quelques semaines plus tard des suites de ses blessures (Photo : Archive)

Orlando Figuera avait 22 ans et se consacrait à l'entretien et au stationnement de véhicules dans un supermarché de Las Mercedes, lorsqu'il a été lynché et brûlé vif le 20 mai 2017 sur la Plaza Altamira par des guarimberos. Il est décédé quelques semaines plus tard des suites de ses blessures (Photo : Archive)

Par Misión Verdad

 

Le fascisme au Venezuela a plusieurs sources d'origine.

 

L'une d'entre elles est l'activité nazie enregistrée par des groupes de ce profil sous les auspices de l'ambassade allemande dans notre pays au cours de la première moitié des années 1940. Ces actions consistaient à promouvoir l'idéologie nazie, y compris dans des manifestations publiques, qui tentaient de rapprocher le pouvoir politique national de la pensée allemande. Pour des raisons de sécurité dans le contexte de la Seconde Guerre mondiale, le Venezuela a expulsé des fonctionnaires nazis en 1941 grâce à la collaboration des États-Unis.

 

Une autre dérive du fascisme à la vénézuélienne est venue du "perez jiménezisme". Bien que Marcos Pérez Jiménez ne se soit pas décrit comme un fasciste, son gouvernement avait des pratiques conservatrices, totalitaires et corporatistes. Son idéologie pseudo-nationaliste était basée sur un récit qui servait à justifier le totalitarisme de son gouvernement.

 

La confluence des idées nationalistes et des caractéristiques de sa "dictature modernisatrice" - c'est ainsi que l'on qualifiait le style des dictatures développementalistes de la région - a jeté les bases conceptuelles d'un néofascisme vénézuélien.

 

Sous la Quatrième République, un parti politique ouvertement fasciste a été fondé. Nuevo Orden (NOR) était une organisation ouvertement fasciste et anticommuniste issue du mouvement étudiant Poder Nacionalista (PN), actif à l'université centrale du Venezuela. Elle a été créée en tant que parti national à Caracas le 12 janvier 1974, mais n'a pas acquis d'importance dans la vie politique nationale.

 

NOR a même participé à trois élections présidentielles, en 1983, 1988 et 1993, heureusement sans le soutien de la population. Il a finalement été interdit par le Conseil national électoral (CNE) en 2002.

 

En 1984, le gouvernement de l'époque, dirigé par Luis Herrera Campíns, a interdit l'organisation appelée Tradición, Familia y Propiedad  (TFP), une secte ou un groupe de laïcs catholiques liés à des groupes conservateurs d'extrême droite au sein de l'Église catholique. L'un de leurs objectifs était d'établir une nation au sein du Venezuela, située en Amazonie à la frontière avec le Brésil, qui s'appellerait Roraima, et même d'assassiner le pape Jean-Paul II.

 

En 1984, le siège du TFP, situé dans le Country Club de Caracas (*), a fait l'objet d'une descente de police. On découvre que la plupart des jeunes hommes qui font partie de l'organisation ont des noms de famille prestigieux, sont issus de familles blanches, ont suivi une formation antisocialiste et anticommuniste, et ont également reçu une formation paramilitaire.

 

Le TFP est ensuite resté actif dans la clandestinité, et parmi les jeunes qui y étaient actifs se trouvaient les actuels dirigeants de l'opposition vénézuélienne Henrique Capriles Radonski et Leopoldo López.

 

Les racines de l'organisation du fascisme au Venezuela remontent aux organes politiques traditionnels du pays, en particulier l'aile la plus conservatrice du parti Copei à la fin des années 1990, à partir de laquelle des groupes politiques et des dirigeants ont émergé et fondé de nouvelles organisations, telles que Primero Justicia (PJ), Voluntad Popular (VP) et Vente Venezuela (VV). Toutes ces organisations ont un point commun : elles ont été dirigées par des personnes de haut rang, de classe sociale élevée, formées aux idéaux ultraconservateurs et dans les mêmes niches politico-sociales que le PTF.

 

En d'autres termes, ils ont le même point d'origine : la société secrète du Country Club vénézuélien.

 

EXPRESSIONS CONCRÈTES ET ÉTAPES DU NÉOFASCISME AU VENEZUELA

Violence politique et armée (guarimbas)

 

Les guarimbas, en particulier celles de 2014 et 2017, ont été des bouleversements sociaux provoqués par des groupes d'extrême droite vénézuéliens qui, à l'instar du falangisme franquiste, ont tenté de consolider un état de siège et une tentative de conflit civil en recourant à des méthodes de coercition sociale et à une violence politique généralisée dans l'ensemble de la société.

 

Bien que les guarimbas aient été des opérations de changement de régime qui ont échoué, il est également évident qu'elles se sont caractérisées par des mécanismes de bouleversement dirigés contre la société elle-même afin de soumettre la population et l'État par la force et l'intimidation, avec des composantes discriminatoires et la promotion d'un imaginaire d'extrême-droite.

 

Au cours de ces processus de déstabilisation politique et armée, des barricades ont été érigées dans les communautés des classes moyennes et supérieures du pays, ce qui les a transformées en bastions identitaires d'une lutte fondée sur la classe et la discrimination.

 

Le schéma sélectif de ces dispositifs violents, fondé sur la persécution des chavistes, des classes inférieures et des "colectivos" - un mécanisme permettant de distinguer les citoyens pauvres dans les rues - a impliqué le développement d'actions de harcèlement politique ciblées contre des individus, associées à des formes de violence aveugle qui ont fait des centaines de morts au cours de ces années.

 

Ces événements étaient similaires à l'agitation créée en Espagne en prélude au coup d'État de Francisco Franco et à la guerre civile qui s'en est suivie, étant donné que l'on a tenté de diviser la société vénézuélienne et de la confronter à des expressions concrètes de discrimination fondée sur la race, la classe sociale et, en particulier, l'idéologie politique. Ils voulaient que les citoyens s'affrontent à travers ces modèles de ségrégation et l'exaltation de l'intolérance politique.

 

La composante raciste, classiste, aporophobe et ouvertement antisocialiste, anticommuniste et antisocial-démocratique des guarimbas est un repère malheureux de la politique de l'extrême droite vénézuélienne, tant par son importance que par ses répercussions.

 

Promouvoir les crimes du blocus

 

Un autre jalon du néofascisme vénézuélien est la promotion et la demande du blocus économique et des sanctions illégales contre l'économie vénézuélienne. L'appel à ces mesures coercitives vise implicitement à détruire les sources de revenus de l'État, à dégrader la base matérielle du gouvernement et à affecter le développement des politiques publiques, y compris les missions et les grandes missions.

 

Par conséquent, cette praxis pseudo-politique consistant à parrainer et à demander de telles mesures coercitives est profondément aporophobe, marquée par des idéologies et des objectifs pro-droite, ciblant les pauvres dans l'intention d'affecter leurs conditions de vie matérielles et existentielles. Il convient de noter la composante profondément classiste de la promotion de la destruction des conditions de vie de la partie la plus vulnérable de la population par le biais de méthodes politiques.

 

Selon la position du Venezuela devant le système des Nations unies, les actes de blocus que les États-Unis et d'autres pays alliés commettent au Venezuela sont considérés comme des crimes contre l'humanité. Par conséquent, ils entrent dans la catégorie des préjudices visant à éradiquer ou à supprimer "l'autre", par le biais de dommages économiques à grande échelle.

 

L'élite de l'ultra-droite vénézuélienne, cette caste qui n'est pas affectée par le blocus illégal, mais qui en profite, pratique le fascisme en promouvant des actions criminelles contre la population du pays afin de la soumettre.

 

Trahison de la patrie et mépris des institutions

 

Les facteurs d'extrême droite vénézuéliens se sont alignés sur des puissances étrangères pour orchestrer des opérations de changement de régime contre leur gouvernement, leurs institutions et leur pays. Comme de nombreux régimes fascistes dans le passé, ils voudraient arriver au pouvoir par la force et en s'attaquant à l'intégrité de leur pays et de sa population en général.

 

Ces expressions sont inhérentes au militarisme et à l'impérialisme des néofascistes, y compris l'appel à l'intervention étrangère et à l'ingérence au Venezuela, même sous des prétextes humanitaires. Cela décrit le comportement néofasciste.

 

La nouvelle droite "libertaire"

 

Le Venezuela est un espace politique où des acteurs étrangers et nationaux veulent fabriquer ce phénomène afin de rendre viable la capture du pouvoir politique national.

 

Il faut considérer que les idéologies néofascistes basées sur les dénominations politiques de la "nouvelle droite" doivent être interdites au Venezuela, tout comme dans l'Allemagne d'après-guerre, toute idéologie ayant une orientation ou une identité nazie a été interdite.

 

La raison en est évidente. Il ne peut y avoir de place au Venezuela pour des idéologies de type totalitaire qui impliquent la persécution ou la tentative de suppression, pour des raisons idéologiques, de larges secteurs de la société et de larges groupes de la nation, tels que les socialistes, les sociaux-démocrates, les communistes et les partisans de la droite modérée traditionnelle.

 

Pour cela, il est nécessaire d'expliquer "le paradoxe de la tolérance" selon Karl Popper, décrit par le philosophe autrichien dans son livre de 1945 The Open Society and Its Enemies (La société ouverte et ses ennemis). Il s'agit d'un paradoxe qui s'inscrit dans le cadre de la théorie de la décision, selon laquelle si une société est illimitée dans sa tolérance, sa capacité à être tolérante finira par être réduite ou détruite par les intolérants. Popper a conclu que, paradoxalement, pour maintenir une société tolérante, la société doit être intolérante à l'égard de l'intolérance et de ses expressions idéologiques concrètes.

 

Selon le dilemme de Popper, une société politiquement saine, comme doit l'être le Venezuela, est une société qui se passe des cadres politiques qui accueillent des formes idéologiques fondées sur l'intolérance.

 

Traduction Bernard Tornare

 

Source en espagnol

 

(*) Ndt : Le Country Club de Caracas (CCC) est l'urbanisation de la paroisse de Chacao de la municipalité de Chacao dans l' État de Miranda et à l'est de Caracas, considérée comme l'une des plus luxueuses et des plus riches de tout le Venezuela.

Venezuela : éléments historiques et actuels du fascisme

Misión Verdad est un groupe de recherche et d'analyse vénézuélien qui se concentre sur les questions politiques, sociales et économiques du pays. Il est connu pour ses enquêtes approfondies et ses reportages critiques sur l'actualité vénézuélienne.

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